La « noblesse » universelle

Document du Procès d’hidalguía de Pedro de Berrozpe, habitant de San Sebastián, en litige devant la justice ordinaire. 1583.
Lettre d’exécution émise par la Chancellerie royale de Grenade au sujet de la hidalguia de Juan Sanchez de Aramburu.
Lettre d’exécution émise par la Chancellerie royale de Grenade au sujet de la hidalguia de Juan Sanchez de Aramburu.

La notion de Hidalguía Universal, liée au « solar conocido », constitue l’un des piliers de la société et de la politique guipuzcoanes de l’Ancien Régime. Son élaboration théorique, au cours du 16e siècle, prévoit que toutes les fermes de Gipuzkoa au sens du solar et du caserío sont nobles. En conséquence, tous leurs descendants le sont (selon la formule consacrée, ils sont « débarrassés de toute mauvaise race de juif, de maure, de condamné par le Saint Office de l’Inquisition ou de toute autre secte réprouvée »).

Cette proclamation doit être comprise comme un des résultats qui allait produire, à moyen terme, le succès du modèle territorial des villas. Elle fut d’ailleurs élaborée du point de vue théorique et implantée dans la pratique à travers une série de privilèges obtenus par la Province de la part des Rois à partir du 14e siècle, souvent comme récompenses aux services militaires des cités.

Ensuite, sa consolidation juridique se traduit par une prolifération des reconnaissances de noblesse comme preuves indispensables demandées pour exercer certaines activités. N’oublions pas que la hidalguía est, comme l’écrit Borja Aguinagalde , « d’abord le titre qui permet de s'installer dans une cité quand on n'est pas de cette cité. À l’intérieur de Gipuzkoa, de cité à cité, mais aussi pour sortir du Territoire ou y venir depuis d’autres territoires ou Royaumes (…). Depuis le 16e siècle, outre les autres motifs sociaux appartenant à la défense de l’honneur et à la noblesse originaire du territoire, le titre de hidalguía constitue le système adopté pour contrôler, d’une part, le flux migratoire en Gipuzkoa et, d’autre part, l’accès aux charges de « conseillers-magistrats » qui ne peuvent être accordées sans la preuve de noblesse au moyen du titre à ce effet. »

De plus, étant donné que la noblesse se traduit par l’exonération de certains impôts, par l’exemption de conscription militaire (sauf pour la marine où le service se fait dans les ports guipuzcoans) et par le bénéfice de privilèges divers, tout Guipuzcoan en Castille à intérêt à être à jour en ce qui concerne sa hidalguía. Entre 1608 et 1610, la Province de Gipuzkoa obtient l’application explicite de la hidalguía de la part de la Couronne sur l’ensemble du territoire, en vertu de la reconnaissance de la « domination immémoriale » du territoire par les hidalgos. Cette reconnaissance est incluse dans le recueil foral de 1697, dans le chapitre II du Titre I, qui affirme qu’il n’y a pas eu, depuis le déluge universel, d’autre Guipuzcoan que l’habitant naturel et originaire de ces terres, maître de celle-ci sans aucun mélange. Les Guipuzcoans sont, par conséquent, primitivement nobles et leur situation n’a jamais été ni interrompue ni mêlée. Leur noblesse n’a été concédée par personne, mais acquise de nature.

En se définissant comme nobles, les Guipuzcoans jettent les bases qui justifient l’organisation qu’ils sont en train de mettre en place. Il s’agit donc d’un processus parallèle à la construction de leurs institutions politiques. Ces institutions s’établissent entres des sujets égaux entre eux, se reconnaissant mutuellement une telle faculté et une telle légitimité : elles nient toute supériorité politique aux descendants des « Grands Parents » (les Parientes Mayores d’autrefois) tout en permettant d’exclure de cette construction tout élément extérieur qui serait incapable de prouver sa noblesse au sens précédent de la hidalguía.

Ce titre de noblesse devient vite un mécanisme très utile qui permet d’éviter les concurrents externes et de maintenir le contrôle interne des organisations locales. Dans les villas, il sert à différencier les « habitants naturels » (qu’on appelle les vecinos) des « résidents » (les moradores). Les premiers répondent à des « critères » de qualité sociale, économique et même culturelle. Ils ont la capacité de gouverner et de recevoir des droits et des devoirs. Les seconds, eux, sont exclus de l’organisation sociopolitique locale et, évidemment, régionale.
 

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