Le blason de Gipuzkoa
Le blason est un support idéal pour transmettre l'idée et l'image qu'une institution ou une famille peut avoir d'elle-même et de son histoire. Pour cette raison, ce symbole comme emblème peut connaître des variations au cours du temps.
Le blason de la Province de Gipuzkoa date d’une époque très intéressante de l’histoire de la province : 1466. Les institutions naissantes avaient, trois ans auparavant seulement, affirmé leur pouvoir au travers du nouveau « Carnet de Fraternité » (Cuaderno de Hermandad), dans lequel étaient réunis, outre les habituelles mesures visant à contrer les Parientes Mayores et leurs penchants belliqueux, les premiers éléments de la construction provinciale institutionnelle. Sur cette lancée, les Conseils Généraux de la Confrérie (Juntas Generales) adopteront comme blason les armoiries primitives formées de deux emblèmes horizontaux : en haut, un roi assis sur son trône, une épée dans la main droite ; en bas, trois arbres (des ifs) sur des vagues marines.
Il s’agit là des éléments politiques et idéologiques qui sont en cours de cristallisation depuis quelques décennies déjà. D’un côté la Couronne, qui stimule le développement institutionnel de la Confrérie guipuzcoane. Tous les indices indiquent que ce Roi est soit Alfonso VIII (il intégra le territoire en 1200 dans le cadre d'une offensive de la Castille contre la Navarre), soit Enrique IV (il fut déterminant pour la création des Juntas et pour son soutien direct contre les anciens Parientes Mayores). De l’autre côté les trois arbres, symboles de la noblesse originelle des Guipuzcoans, véritable colonne vertébrale de leur relation directe avec la Monarchie. Selon la tradition, les anciens Cantabriques préféraient s’empoisonner avec des graines d’ifs plutôt qu’être réduits par les Romains. Les Guipuzcoans descendraient de ces Cantabriques, collectivement nobles par leur origine, qui jamais ne reconnurent supériorité ni mélange de quelque nation étrangère que ce fût. Ce n’est pas un hasard si les trois ifs reposent sur l'eau : dans cette relation Monarchie-Province, les cités côtières étaient des enclaves prioritaires car ce qui prévalait pour le royaume dans ce territoire était sa sortie vers l’Europe par la mer.
Douze canons furent ajoutés en 1513 dans la partie supérieure droite : ils furent vraisemblablement capturés un an plus tôt lors de la bataille de Belate, dans laquelle un groupe de chefs guipuzcoans locaux servit la Castille contre la Navarre. Acte héroïque pour les uns, d’autres préfèrent penser que cette artillerie fut simplement abandonnée afin de faciliter la fuite des alliés des Navarrais.
Plus tard, en 1931, il fut décidé de retirer cet ajout de 1513, décision ratifiée et étendue en 1936 à la suppression de tous les symboles monarchiques et seigneuriaux. Cependant, pour cause de guerre civile espagnole, il fallut attendre l’année 1979 pour que cette décision approuvée sous la seconde République espagnole soit appliquée dans les faits.
Les Archives Générales de Gipuzkoa (à Tolosa) conservent quatre hauts-reliefs exécutés entre 1596 et 1599 par Jerónimo de Larrea y Goizueta, habitant de Tolosa, relatifs à l’origine des armoiries de Gipuzkoa. Il s’agissait d’une commande des Juntas Generales destinée à décorer la façade du bâtiment des Archives, situé à l’époque au-dessus de la sacristie de l’église de Santa María à Tolosa. Ils furent sculptés sur une table de noyer, puis peints et décorés par d’autres artistes. Les quatre hauts-reliefs aujourd’hui conservés représentent, d’un point de vue d’époque, l’origine des trois emblèmes composant le blason de la Province. Le sculpteur s’est inspiré des idées « cantabristes » de son contemporain Juan Martinez de Zaldivia, érudit dont les idées étaient très répandues à cette époque, même si elles manquaient de rigueur historique.