Les chevaux d’Ekain
La grotte d’Ekain, située dans la vallée de Sastarrain (municipalité de Deba, à la limite de Zestoa) abrite un ensemble surprenant de peintures rupestres datant de la période magdalénienne (entre 14 500 et 10 000 ans BP). Pour préserver cet héritage artistique du Paléolithique, déclaré Patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO le 14 août 2008, une réplique de la grotte a été créée (voir www.ekainberri.com). Contrairement au site d'origine, cette réplique est ouverte au publique.
La grotte d’origine s'ouvre sur une grande tête de cheval, de couleur noire, peinte à l'encre plate. Les peintures se divisent ensuite en cinq grands groupes : Le premier, situé dans une galerie latérale, regroupe des figures de bouquetins et de cerfs, ainsi qu’un saumon. Comme dans d’autres lieux, le relief de la pierre est mis à profit et participe aux représentations. Ce premier groupe diffère des autres par le fait qu’il ne contient aucun cheval. De plus, les cerfs y sont gravés, alors que le reste des animaux sont peints en noir. La partie centrale de la galerie principale accueille « le plus bel ensemble de chevaux de tout l’art pariétal franco-cantabrique » : 25 chevaux et 9 bisons, et quelques autres figures de moindre importance. Si la couleur noire domine, l’on retrouve également quelques éléments peints en rouge. Le troisième groupe (un couple d’ours) constitue une transition avec le fond de la grotte, qui abrite les deux derniers ensembles. Dans une première pièce apparaissent 7 chevaux ainsi que des lignes gravées. Au fond, des gravures que les observateurs associent généralement à des rhinocéros.
Un détail surprend dans la disposition des chevaux : la plupart d’entre eux font face aux ours. Tout aussi étonnant, la roche située au centre de la grotte (à côté du groupe de figures principal) rappelle fortement la tête d’un cheval, dont l’orifice nasal aurait été taillé à même la roche. Un cheval et un bison apparaissent dans la continuité de la roche. Au vu de cette représentation et de la peinture située à l'entrée, nous pourrions imaginer que cette grotte était dédiée au cheval.
Nous pouvons nous interroger sur la fonction de ces représentations situées dans les profondeurs de la grotte, loin du regard de ses occupants. Comme il ne s’agit évidemment pas de simples décorations, plusieurs théories tentent d’en établir le sens :
L’une de ces théories associe la magie à ces représentations : l’on « chassait en images » pour favoriser la chasse réelle. Néanmoins, les restes humains retrouvés à l’entrée de la grotte d’Ekain ne comprennent aucun ossement de cheval (pourtant l’animal le plus représenté), mais essentiellement des os appartenant à d’autres animaux (peu représentés dans la grotte) : cerfs, bouquetins ou bisons. Ces découvertes pourraient alors appuyer une autre théorie qui définit le cheval comme totem, ou animal sacré, des groupements humains ayant vécu à Ekain. Encore une fois, cette théorie semble perdre son sens au vu de certaines peintures de la grotte représentant des chevaux blessés par des lances, donc objets de la chasse. Une autre théorie place le chamanisme au centre de ses représentations : le chamanisme se fonde sur la croyance que certaines personnes, dans des conditions données, peuvent entrer en contact avec des pouvoirs provenant d’univers parallèles, c'est-à-dire avec des esprits auxiliaires se présentant au chamane sous des formes animales.
Pour Jesús Altuna, ces théories détiennent certainement toutes une partie de vérité, mais aucune d’elles ne peut être retenue pour expliquer entièrement les représentations et leurs motivations. Nous ne pouvons pas non plus exclure l’idée que ces êtres humains, capables de créer ces représentations parfaites, reliaient le monde spirituel et transcendant à l’art pour satisfaire leur besoin d’expression, comme cela a toujours existé.
En savoir plus, consultez: "Origines de l'art Guipuzcoan" (Coleccion Bertan)